Fiducia Supplicans, une nouvelle théologie de bénédiction ? Quelques uns de nos lecteurs se sont interrogés vis-à-vis de la phrase suivante : « Cette analyse de la Déclaration promulguée par le dicastère de la Doctrine de la Foi ne cherche donc pas vraiment à aider les personnes de même sexe à mieux vivre leur inclination naturelle toute en respectant le jugement de l’Église ». Les mots « inclination naturelle » les ont choquées. À juste titre ! On pourrait dire que c’est une erreur de mise en page, ce qui serait techniquement vrai. Mais que faut-il en penser ? Y a-t-il des péchés qui n’ont pas à l’intérieur de nos psychismes, une certaine « inclination naturelle » ? Si nous répondons « oui », c’est que nous sommes devenus des monstres d’orgueil ou des pécheurs pire que Judas.
Tout être humain naît avec des richesses et des pauvretés de comportement, ce qui veut dire que personne naît dans un état de grâce vis-à-vis de Dieu. Personne, par ailleurs, nait dans un état de rejet qui serait l’acte de Dieu. En elle-même la condition humaine est à la fois pauvre, mais non misérable et riche d’une capacité de développement indescriptible. Cela touche à tous les aspects
physiques, sensoriels et émotifs, intellectuels et volontaires de la personne. Le Créateur donne à chaque personne, par un acte premier – on l’appelle l’âme – l’existence de l’individu et de toutes les puissances qui vont se développer d’abord dans le sein maternel. C’est là que ce qui existe – les premières cellules – vont former un organisme, un être nouveau. Cet être nouveau, n’est pas un « amas de cellules », mais un être autonome capable d’une vie végétative qui nécessite de
s’alimenter, de grandir et de se reproduire et, peu à peu, une vie sensible, apte à percevoir le monde extérieur, par ses sens externes (toucher, goût, odorat, audition, vue) et ses sens interne, (affection, mémoire, cogitation). S’y joint aussi une capacité de réagir aux stimuli de l’univers naturel et cosmique et de le manifester par des mouvements intérieurs : ses passions, et extérieurs : ses gestes
visuels et corporels.
Jusqu’ici, cela décrit un bel animal ! Mais cet animal est « raisonnable », c’est-à-dire qu’il a en lui, deux puissances : l’intelligence et la volonté dont la force et l’action produisent deux actes qui dépendent de lui, « être humain » : l’élection et l’exécution. Ces deux puissances sont propres à l’âme et n’agissent, dans leurs actes, que dans sa dépendance. Par nature, elles sont libres et autonomes. Le Créateur est cause de leur existence, mais, elles, sont causes de leurs actes. L’Acte
Créateur crée chaque être humain que la femme et l’homme lui présente. Il ne rejette personne !
L’Être humain a la mission de les éduquer et d’en faire des créatures qui louent, adorent et aiment ce Dieu qui les a créé. Mais si Dieu ne rejette personne, au contraire, l’être humain, peut rejeter beaucoup d’êtres humains sur lesquels il n’a pas de « droits » et même de rejeter Dieu. Ce qui s’est fait au principe, cela s’appelle, le péché originel.
Le péché très grave, a engendré la peine qui n’était que la conséquence de l’acte. Au rejet de Dieu, correspond la conséquence : l’impossibilité divine d’accorder à l’homme la perfection qu’il convoite. Mais il lui accorde ce qu’il lui demande : de devenir par ses propres forces et ses décisions personnelles le maître de l’Univers. Il le deviendra, un peu, mais par son travail et à la sueur de son front. Par contre, il a perdu l’amitié avec Dieu. Alors que le « père du mensonge » lui avait promis le
contraire : une élévation telle qui l’aurait rendu presqu’égal à son Créateur. Mais comment l’humanité pourrait-elle retrouver l’amitié avec Dieu ? Il sent, qu’il a besoin de cette amitié et pour la retrouver il bâtit diverses formes de relations sacrés avec ce Dieu qu’il ne connait pas. L’homme ne sait pas vraiment ce qu’il a perdu. Mais il sait au fond de lui-même qu’il a vraiment péché et qu’il vivra toujours lui et ses descendants avec au cœur, l’inclination à rejeter Dieu.
Dieu, lui, n’a jamais rejeté l’homme. Face à son péché, il lui a promis un Rédempteur. Ce qui s’est passé dans la suite des temps est à peine croyable. Comment le Dieu Trinitaire a-t-il pu consentir qu’une Personne divine, le Verbe, puisse prendre sur lui, le poids de la peine due au très grave péché : le rejet de Dieu Principe et Créateur ? Cela aurait dû, en justice, entrainer l’anéantissement de l’homme comme conséquence naturelle. Le Père a consentit en raison de la
plénitude de son amour et parce que ce fils pécheur trompé par Satan, avait encore plus « besoin de cet amour ». Le Père n’a rien changé à sa création, il a créé un être humain à qui il a donné la domination sur l’Univers sans rien abdiqué de son rôle de Créateur. L’homme sauvé par le Rédempteur demeure toujours l’homme qui existe tel que l’a voulu le Créateur, un homme libre et autonome doué de ces mêmes puissances : une intelligence ordonnée vers la Vérité et une volonté ayant la puissance d’Aimer.
Rien n’est changé dans la nature créée de l’homme ; la nature de l’homme créée par Dieu avant le péché est la même que la nature de l’homme après le péché. Rien n’a changé, mais quelque chose s’est installée : une inclination naturelle à pécher. Cette inclination qui s’est installée dans le cœur de l’homme aurait pu détruire l’humanité avant qu’elle ne se détruise elle-même. Dieu est vainqueur, mais Satan n’est pas encore complètement vaincu. Le péché d’Adam se transmet dans les fils de l’Homme. Tout homme qui nait comme fils d’Adam garde en son Être, une inclination à rejeter Dieu. Mais ce même homme a aussi l’inclination à l’aimer. Au cœur de chaque être nouveau créé par le Père s’installe le combat entre Dieu et Satan. Étant donné la faiblesse de la créature humaine : qu’est-ce que l’homme en comparaison à l’Ange ; qu’est-ce que la faiblesse de l’humain
vis-à-vis des Chérubins, prince de la Science ? La force de la science des Chérubins en lutte contre Dieu dépasse immensément, les réalisations scientifiques des humains qui luttent pour vivre et atteindre un peu de bonheur.
L’enjeu c’est la personne humaine ! C’est l’avenir de la personne humaine pour l’Éternité. Et son avenir dépend de Dieu ; mais pas seulement de Lui, mais aussi de ses choix humains. Ce Dieu trinitaire aime l’homme. Il l’aime d’un plus grand amour, parce qu’il en a le plus besoin [1] . Chaque ange est aimé de Dieu selon la mesure de ce qu’il est ; chaque homme est aimé de Dieu selon la gratuité de son amour. Il peut être plus aimé de Dieu selon ce que le Seigneur veut. Telle est la Vierge Marie. Avant elle, telle est aussi, Jésus-Christ, non seulement en tant que Verbe, mais surtout en tant que vrai homme.
L’offrande du Fils au Père en tant que Fils et en tant qu’hommage parfait à l’œuvre du Père a été le Salut de l’homme. C’est l’Œuvre du Fils. Elle ne change pas la nature humain. Mais le Christ l’assume en plénitude, sauf le péché, mais en prenant en lui, les conséquences naturelles qui viennent du péché. En raison du péché d’Adam duquel descendent tous les enfants des hommes, tous, ont une inclination naturelle à pécher. Ils pèchent selon ce qui leur plait dans la connaissance des fruits du Jardin de l’Eden et dont ils croient avoir besoin. Il n’y a pas que l’acte incestueux d’une relation entre deux hommes – et deux femmes – qui a sa source dans le psychisme de ces deux partenaires. Celui qui est dévoré par la passion politique de dominer la terre, au moins une partie, suscitera des guerres pour n’importe quel motifs, peu importe le nombre de victimes. Celui qui vit pour la louange, nourrira, une habitude efficace du mensonge. Celui qui est d’un « naturel » jaloux en arrivera à brûler sur la flamme de son tourment, la fidélité même de sa femme, ou celle de son mari. Le voleur convoitera le bien d’autrui, non parce qu’il manque du nécessaire, mais pour la satisfaction de prendre quelque chose qui ne lui appartient pas. Et celui à qui le travail répugne,
trouvera le moyen de le faire faire par les autres, tout en tirant pour lui-même ces avantages qui viennent de la sueur des autres fronts ! Et on peut enrichir le tableau. Oui, dans tout péché, il y a une inclination naturelle, à accomplir ce qui domine en nous et qui nous éloigne de Dieu, inclination que nous ne voulons pas vraiment reconnaître, mais que. les événements nous incitent à voir.
Dieu le sait ! Et il le sait mieux que nous ! Très souvent nous n’en sommes pas responsables, du moins pas complétement responsables. Tous les hommes et femmes peuvent accuser une inclination naturelle à pécher. Et très souvent ceux qui nous veulent du bien sont ceux qui nous causent plus de blessures que de guérisons. Nous devenons les victimes de ceux qui eux-mêmes sont des victimes . Et cela n’arrive pas qu’au niveau des actes de relations sexuelles. Elles sont les plus attaquées d’une part parce qu’elles appartiennent à tout le monde ou presque et d’autre part parce qu’elles sont la source des plus grands plaisir qui font oublier tous les autres tourments.
À voir la somme de nos erreurs et de nous échecs, nous pouvons nous sentir découragés. Nous oublions que le découragement est une abdication et l’acte préféré de l’Ennemie de Dieu.
Si nous savions regarder le Seigneur, lui qui nous connait mieux que nous nous connaissons nous-mêmes, nous verrions qu’il est le seul assez puissant, pour changer le découragement en courage, le désespoir en espoir, la dureté en amour. Non le péché en grâce ! Devant un péché qui devient habituel et dont nous sentons les entraves ; il y a une inclination naturelle. Et le psaume 50 nous le répète : « Ecce enim in iniquitate generatus sum et in peccato concepit me mater mea [2] ». Le Seigneur nous en délivre comme le rayon du soleil fait fondre la bloc de glace. Mais devant l’inclination naturelle à laquelle nous attribuons nos fautes et nos erreurs et même nos péchés, se dresse la miséricorde de Dieu et surtout l’appel à le suivre. Et nous constatons que nos inclinations naturelles ont été transformées en puissance de travail dans son champ, ni dans le nôtre, ni dans celui de ses ennemis. Car, pour tout pécheur, il y a l’appel du Seigneur, même pour les personnes en état de situation irrégulière qui percevant l’appel du Berger et se retrouve en des lieus sains et saints, devenant ainsi eux aussi des pêcheurs d’hommes ou de femmes.
Aline Lizotte
[1]Cf la citation de saint Thomas
[2] « Dans l’iniquité j’ai été engendré ; dans le péché m’a mère m’a conçu » Ce verset du « Miserere n’est pas une condamnation de l’acte conjugal et de son fruit, la génération. Elle est le rappel fait par le psalmiste de nous faire comprendre que, sans la Rédemption, nous sommes tous des engendrés conçus comme des fils d’Adam, alors que nous devons devenir des fils du Père par la participation à la
grâce de la Rédemption