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Le non du Pape pour l’ordination des femmes diaconesses

Je suis curieuse de savoir si une petite fille qui grandit dans le catholicisme aujourd’hui aura un jour l’occasion d’être diacre et de participer en tant que membre du clergé à la vie de l’Église. » La question est posée par la journaliste américaine Norah O’Donnell. Face à elle, la réponse de François ne se fait pas attendre, et tient en un mot : « non ». Le pape a clairement exclu, dans un entretien diffusé mardi 21 mai par la télévision américaine CBS, tout diaconat féminin. La réponse n’a pas pris le temps de développer le goût de « tinette ». Et pourtant on aurait dû s’en douter. Dès le début de son pontificat, le pape François avait nettement laissé entendre qu’il n’ordonnerait pas de femme « diaconesse ». La réalité n’est pas de savoir s’il en a le désir ou non. Il faut simplement comprendre qu’il n’en a pas le pouvoir. Qu’est-ce qui permet de le dire ?

Avant de répondre il faut déblayer un peu le terrain de l’opinion publique. L’Église tire son existence de deux paroles de Jésus : la première semble prendre place dans un contexte polémique. Jésus a manifestement montré qu’il est le maître de toute situation : il multiplie les pains, il marche sur les eaux, il calme les tempêtes, Ayant traversé la mer on lui présente tous les malades et il les guérit. Les pharisiens et les scribes de Jérusalem en sont informés. Qui est cet homme ? Ils vont venir voir et s’avancent vers Jésus. La lutte va commencer. Les « autorités » vont l’ouvrirent en l’accusant de « transgresser la tradition des anciens » et donnent comme exemple que lui et ses disciples « ne se lavent pas les mains au moment de prendre le repas ». Et Jésus répond par une question cinglante : « Et vous, pourquoi transgressez-vous le commandement de Dieu au nom de votre tradition ? ». La question est précise. Jésus n’attend aucune réponse. Il dénonce le mensonge qui consistait à déclarer les biens personnels comme « consacrés » et, d’être, ainsi exemptés, du devoir de s’occuper des parents,  en cas de nécessité.

Les habitants de Génésareth, eux, manifestent une foi vive et accueillent Jésus avec un enthousiasme vibrant : il suffit de toucher à la « frange de son manteau » pour être sauvé ! Profitant de ces moments, Jésus appelle la foule et, sans rien condamner, il met en garde contre la doctrine des Pharisiens et des Sadducéens. S’appuyant sur Isaïe il ne craint pas de dire : « les doctrines qu’ils enseignent ne sont que préceptes humains ». Ces « doctrines » ne viennent pas de Dieu. « Et vous avez annulé la parole de Dieu au nom de votre tradition ! Hypocrites ! (Mt 15, 6-7). La parole est tranchante et vraie ! Mais les disciples prennent peur : « s’approchant de Jésus, ils lui disent : « Sais-tu que les Pharisiens se sont choqués de t’entendre parler ainsi » ? Et lui de répondre :  « Tout plan que n’a point planté mon Père céleste sera arraché ». Laissez-les ce sont des aveugles qui guident des aveugles ! Or si un aveugle guide un aveugle, tous les deux tomberont dans un trou » (Mt 15, 13).

 Ayant  traversé la « mer il entra dans la ville de Génésareth ». Sans s’occuper ni des accusations des pharisiens et des scribes, ni des craintes de Pierre, il guérit ceux qui s’approchent et à la demandent des habitants, il les laissent  toucher « la frange de son manteau ». « Et tous ceux qui touchèrent furent sauvé » (Mt, 14, 36). Il part ensuite pour Césarée de Philippe, ville située au bas du Mont Hermon, au nord de la mer de Galiléen. Il gravit la montagne, « le Mont Hammon » ?[1] et il s’assit. Et des foules nombreuses s’approchèrent et jettent à ses pieds leurs nombreuses souffrances et leurs nombreuses demandes. Et il les guérit tous. Et les foules s’émerveillèrent… et elles rendirent gloire au Dieu d’Israël (15,31) .

Les prolégomènes À la fondation de l’Église

La marche du lac de Génésareth vers Césarée de Philippe est longue. Si Jésus va dans cette direction, c’est qu’il a un projet en tête. Il commence par une question : « Au dire des gens qui est le Fils de l’homme ?» (16, 12). Les réponses sont diverses. Certains disent qu’il s’agit du « retour » de Jean le Baptiste, d’autres d’Elie, d’autres de Jérémie. Manifestement, ils cherchent des grands prophètes qu’ils ressuscitent ! Seul Pierre répond avec une précision étonnante :  « Tu es le Christ, le Fils du Dieu vivant ! »  Prenant la parole à son tour, Jésus lui dit : « Heureux es-tu, Simon fils de Yonas : ce n’est pas la chair et le sang qui t’ont révélé cela, mais mon Père qui est aux cieux. Et moi, je te le déclare : « Tu es Pierre, et sur cette pierre je bâtirai mon Église ; et les Portes de l’Hadès ne tiendront pas contre elle. Je te donnerai les clés du royaume des Cieux : tout ce que tu auras lié sur la terre sera lié dans les cieux, et tout ce que tu auras délié sur la terre sera délié dans les cieux. » (Mt, 16, 18-20). Le deuxième texte est de saint Luc et met plutôt l’accent sur l’enseignement des disciples que Jésus réunis autour de lui : « Qui vous écoute, m’écoute » (Luc 10, 17).

Essentiellement l’Église est fondée et cela deviendra une réalité existentielle lorsque après l’Ascension du Christ et les dix jours de prières au Cénacle, « les « douze[2] » – et seulement eux –[3] vont recevoir leur ordre de mission. Tout à coup, vint du ciel, un bruit tel que celui d’un violent coup de vent, remplit toute la maison où ils se tenaient. Ils virent apparaître des langues qu’on eût dites de feu ;  elles se partageaient et il s’en posa une sur chacun d’eux. Tous furent remplis de l’Esprit Saint et commencèrent à parler en d’autres langues, selon que l’Esprit leur donnait de s’exprimer » (Ac 2,2-4) . Ils sortirent ! Pierre, alors, debout avec les Onze, éleva la voix et leur adressa ces mots : « Hommes de Judée et vous tous qui résidez à Jérusalem…»

L’Église est fondée et elle demeurera jusqu’à la fin des temps. Le signe  fort, très fort, donné à la Pentecôte lui apporte la certitude de son enseignement et la vérité de sa parole. Il nous montre plus : cette Église est fondée sur du réel : Ceux qui parlent avec force, conviction et liberté, ce sont vraiment des hommes. L’Église est fondée sur Pierre et sur les apôtres qui agissent en union avec lui.Elle se continuera, au long des siècles, avec les mêmes signes qui transmettent ce qui a été donné au jour de cette effusion de l’Esprit Saint. L’imposition des mains accompagnée de la prière consécratoire ordonne la personne masculine au service de l’Église, en tant que ministre de la parole – doctrine – et ministre du don gratuit de la vie sacramentelle [4]. L’Église devient donc une chose réelle qui a le pouvoir et la mission de dire et de promouvoir la vérité et d’y unir le signe ineffaçable de l’amour personnel que Dieu porte à chaque être humain dont l’existence dépend de son acte créateur. Ce n’est pas une chimère !       

Le pouvoir dans l’Église

Le « non » du pape actuel répète le « non » de ses prédécesseurs, Benoit XVI, Paul VI, Jean XXIII, Pie XII, PieXI, Benoit XV, Pie X. Il peut donner l’impression d’une solidarité masculine qu’aucune concertation féminine n’arrive à faire tomber. Les femmes n’ont-elles pas obtenu victoire vis-à-vis des « bunkers » masculins des siècles précédents. Si on regarde le soit-disant problème de cette manière, on ne parviendra à rien et on perd son temps ! Car l’Église n’est pas une bureaucratie, ni une concertation politique. Et elle ne tient pas son autorité d’un vote électoral puissamment manipulé ou manipulatoire.

La réalité de l’Église telle qu’elle est définie par Vatican II est d’être avant tout une « Communion ». Sa vie et son influence, dont sa réalité et sa sauvegarde, sont confiée non à ses successeurs – le pape n’est pas le successeur de Jésus-Christ, ni au premier collège des disciples, le successeur des Apôtres – mais à ceux qui reçoivent au fond d’eux-mêmes, l’appel de Jésus-Christ : « Viens, Suis-moi ». Or cet appel est donné à tous ceux qui, par le baptême sont appelés à faire partie du « peuple de Dieu ». Aussi bien les femmes que les hommes. La réalité de « Communion » qui désigne ce qu’est la nature de l’Église a pénétré tout le Concile Vatican II et lui donne sa vérité. Lumen Gentium, cette Constitution dogmatique de l’Eglise, enseigne que la nature et la vérité du Peuple de Dieu est d’être et de vivre une Communion. « Le Christ Seigneur, grand prêtre d’entre les hommes (cf. He 5, 1-5) 1-5) a fait du peuple nouveau « un Royaume, des prêtres pour son Dieu et Père » (Ap 1, 6 ; 5, 9-10). Les baptisés, en effet, par la régénération et l’onction du Saint-Esprit, sont consacrés pour être une demeure spirituelle et un sacerdoce saint.  Par toutes les activités du chrétien, ils offrent, autant d’hosties spirituelles, en proclamant les merveilles de celui qui, des ténèbres, les a appelés à son admirable lumière (cf. 1 P 2, 4-10) [5]». L’Eglise ne sera jamais, une monarchie, une aristocratie ou une république. Elle sera toujours la réalité vivante de la Nouvelle Alliance du Peuple de Dieu, avec la Trinité, par la médiation du Christ.Peu importe, le moyen humain et actuel dont cet appel est transmis ! C’est toujours le même appel.

L’Église maintient, cependant, une  différence essentielle entre le sacerdoce ministériel ou hiérarchique et le sacerdoce commun des fidèles. Le sacerdoce commun de tous les membres de l’Église s’exerce par les sacrements et les vertus infuses, telles la foi, l’espérance et la charité. Que l’on soit femme ou homme, enfant, adolescent, adulte ; que l’on soit laïc ou membre du clergé, ou religieux, on doit vivre cette participation à l’Église par les sacrements, le baptême et la confirmation, la confession (sacrement de la réconciliation) l’eucharistie, l’onction des malades. C’est la façon commune, de participer aux actes du Christ, de recevoir son évangile, sa miséricorde face à toutes souffrances – même totalement détachée de certains aspects miraculeux – sa prière incessante et son holocauste rédempteur de tout péché, autant ceux qui sont antérieurs que ceux qui sont à venir. Cela c’est l’essentiel de l’Église. C’est le sacerdoce de tout baptisé.

Le pouvoir du sacerdoce ordonné

En instituant les ministères ordonnés, le Christ choisit librement, des hommes de sexe masculin pour revivre dans leur propre corps, l’offrande totale qu’il a vécu lui-même dans sa passion et dans sa mort. Cette offrande qui se répète lors du Sacrifice de la Messe  réalise, d’une façon non sanglante, mais réelle, l’offrande absolue de l’humanité du Christ. Chaque prêtre muni du pouvoir d’Ordre, actu de nouveau, l’holocauste du Christ quand il dit sur le pain et le vin qu’il tient dans ses mains : « Ceci est mon corps » « Ceci est mon sang ». Ces mots ne sont pas des symboles, des métaphores, des façons de s’exprimer. Ce prêtre est, en ces instants, comme le « propriétaire », le ministre du corps du Christ dont il prend la puissance de l’offrir au Père. Ce geste est suivit de la manducation du corps et du sang du Christ non comme l’anthropopithèque  antique dévorait sa victime pour s’assimiler son courage, mais comme le signe de l’immolation de l’homme pécheur dont l’homme sauvé prend la place. Cette communion est offerte à tous les fidèles et elle a la même signification pour tous, la participation à notre salut dans la participation à la destruction de l’homme pécheur et son remplacement par l’homme sauvé.

Pourquoi la femme ne peut pas recevoir ce pouvoir d’Ordre

On pourrait jouer sur les mots et répondre  : parce qu’elle n’est pas un « homme ». Mais il faut répondre le mieux possible à la question. Pourquoi le pouvoir d’Ordre ne peut être, dans tous ses degrés, (diaconat, presbytérat, épiscopat) donné qu’aux hommes. Et cela engendre une deuxième question à laquelle il est plus difficile de répondre : pourquoi l’autorité (juridction) dans l’Église n’est partagé qu’à ceux qui peuvent recevoir le Pouvoir d’Ordre. Cela ne constitue-t-il pas une caste dans l’Église où seul les ministres prêtres ou évêques peuvent commander ; une sorte de caste supérieure ? Les inférieurs et principalement les femmes peuvent être exploitées dans les services qu’elles rendent sans pouvoir sortir de cette infériorité qui les rend, non pas esclaves, mais membres de seconde classe !

LA RÉPONSE

              Dans l’Église catholique, il n’y a de réel qu’une seule autorité, celle du Christ. Et cette autorité, Jésus lui-même, ne l’a pas partagé. Il est toujours la seule autorité dans l’Eglise et le seul fondateur. Ni le Pape, ni l’Évêque ne partagent l’autorité du Christ. Cependant Le Pape et l’évêque n’agissent qu’en vertu de l’autorité du Christ dont ils sont les dépositaires et les exécutants par le sacrement de l’épiscopat. L’onction sacerdotale donne au prêtre le pouvoir réel sur le corps du Christ – même renégat il pourra toujours prononcer validement les formules de la transsubstantiation – mais non sans faute grave. Mais elle ne lui en donne pas l’autorité.                 

Dans l’Église, il y a deux sortes d’autorité, celle qui est « humaine » et qui accompagne le travail de l’évêque comme administrateur de son diocèse. Un évêque peut vouloir faire construire une école, il peut ordonner qu’on récolte les frais nécessaires à sa construction, il peut demander qu’on fasse les plans et qu’on lui soumette. C’est l’autorité humaine qui s’attache à son travail. Il pourrait se faire remplacer pour diriger cette tâche et même choisir une femme comme architecte principale.

              L’autorité qu’il a en vertu du sacrement de l’épiscopat est toute autre. Elle porte en elle-même, l’autorité du Christ. Cette autorité du Christ n’est pas uniquement celle qu’il a comme Dieu, ou comme Verbe. Cette autorité est celle par laquelle le Christ, en tant qu’homme, a été envoyée par le Père, pour prendre « chair » dans le sein de Marie et c’est en tant qu’homme, en tant qu’il revêt l’humanité créée par Dieu, qu’il il reçoit l’autorité sur toute l’humanité, non seulement, comme son chef, mais plus encore, comme son Rédempteur, son Sauveur et son Vainqueur. Cette  autorité agit contre toutes les tentatives de mal qui viennent des hommes eux-mêmes, mais surtout de l’ennemie de Dieu, Satan. Elle est aussi l’autorité qui donne la grâce du salut, qui conduit celui à qui elle est donnée à agir, dans et par l’humanité du Christ. Elle exige de reconnaître ce qui vient de Dieu et ce qui n’en vient pas. Si l’autorité du Christ n’était que celle d’un « homme supérieur », il a bien longtemps qu’il n’y aurait plus de grâce sur cette terre. Satan aurait abattu, cet homme supérieur et l’aurait entrainé vers les profondeurs de l’Enfer.

              L’autorité propre à l’évêque et au Pape agit sur un sujet, capable par le sacrement de l’épiscopat, de la recevoir, mais elle n’agit pas en vertu de ce sacrement. Bien qu’il est absolument nécessaire de recevoir le sacrement de l’Ordre qui consacre, pour la vie, le prêtre ou l’évêque au service du Christ comme Fondateur et Chef de l’Eglise, l’autorité de l’évêque lui vient de sa mission et l’exercice du pouvoir par lequel le prêtre consacre le pain et le vin et absout les pécheurs dépend de l’évêque. Elle ne dépendra jamais des fidèles. L’Eglise est une communion mais c’est d’abord une communion au Christ lui-même dans son humanité toujours réelle et existentielle, par laquelle « il est toujours avec son Eglise présent dans son gouvernement et présent dans ses agneaux et ses brebis ». L’autorité de l’évêque est le signe efficace de cette communion des fidèles ; il ne sera jamais le mandataire des désirs humains des fidèles. L’évêque ou le pape démissionnaire n’ont plus cette autorité même s’il en garde le pouvoir, en cas de nécessité.

Elle fait quoi cette autorité ? Elle ne règle ni les budgets financiers en cas de pertes ou d’excès, ni les administrations de toutes sortes. Elle fait une chose : elle édifie l’Église. Elle permet à chaque baptisé incorporé par le sacrement de l’Église de vivre dans l’humanité du Christ, comme l’enfant vit dans l’humanité de ses parents, comme le Christ a vécu. Elle permet aussi à l’évêque d’être le témoin de tout ce que l’Esprit dit à l’Église et de le faire vivre aux chrétiens qui lui sont confiés.

HOMME-FEMME et pouvoir de juridiction

              Tout baptisé est appelé à faire de sa vie et de son propre corps le témoin d’une humanité ordonné à cette vérité. Non seulement l’homme. Mais encore d’une manière très particulière, la femme dont le sein est apte à donner la vie. Engendrer des enfants qui recevront la vie divine, en soi, ce n’est pas une infériorité. Vivre dans l’Église une vie de femme, ce n’est pas vivre en seconde classe. La première femme, Marie est mère de l’humanité du Christ et principe de sa vie humaine. Sans être née d’une femme, le Christ aurai-il pu être, par son humanité, le témoin de la Vérité, l’union de toute humanité à l’amour du Père ? Oui, s’est possible ! Car à Dieu rien n’est impossible. Mais qu’est-ce qu’on aurait « perdu » ! Et qu’est-ce que perdrait l’Eglise de Dieu si on perdait le témoignage de la femme en tant que femme, témoignage que l’homme masculin ne peut donner.

              Quelle en est la raison selon la quelle, la femme ne peut recevoir le pouvoir d’Ordre ? Seul l’homme non lié à une femme[6] peut en être le sujet. Elle n’est ni culturelle ni méprisante. Le ministre qui peut recevoir le pouvoir du sacrement de l’Ordre est celui que l’Esprit Saint désigne pour agir in personna Christi (dans la personne du Christ). Or la personne du Christ – la personne divine – est la « deuxième » personne de la Trinité et par l’Incarnation elle devient le sujet de la nature humaine à laquelle elle donne la plénitude de l’agir. Au niveau naturel, cette plénitude de l’agir se manifeste par la génération de l’enfant issus de l’union sexuelle avec la femme. Cela est vrai pour tout homme… En ce qui concerne le Verbe cette nature humaine dont le revêt son Incarnation n’est pas ordonnée à la propagation de l’espèce, mais à son salut. Elle a pour finalité l’Église comme génératrice de la vie éternelle pour toute l’humanité, c’est-à-dire pour tous les humains. En recevant l’onction sacerdotale presbytérale, l’homme dispose son être humain et dans le Christ, et par Lui, devient le générateur de l’homme, de toutes personnes humaines appelées à la vie éternelle. Il est alors comme le Christ ordonné au salut de tous et cela se marque, dans sa chair, par le célibat auquel il consent librement. Ce célibat consentit n’est pas un élément essentiel, semble-t-il  à l’ordination presbytérale du moins dans l’Église orthodoxe  (elle ne le devient que pour l’ordination épiscopale). L’ordination, comme sacrement, exige la disposition au service ministérielle de l’Église. Mais, il n’y a pas d’Église sans Jésus-Christ lequel n’était pas liée à une femme. Comme le prêtre agit toujours in personna Christi », le célibat demeure un signe plus évident de l’offrande totale de son corps à  l’acte salvateur du Christ lui-même.

              Qu’en est-il de la femme ? Comment peut-elle « participer à la vie de l’Église » qui, en fait, peut très bien se passer d’elle puisqu’on en n’a pas besoin dans l’édification de son œuvre et de sa mission ? La vie de l’Église n’est pas uniquement la vie des « clercs ». Elle est la vie de tous les baptisés et tous les baptisés sont égaux. Le témoignage de la femme est un élément essentiel de la vie de l’Église. Il est bon de regarder comment le Christ lors de sa passion et après sa résurrection se comporte avec la femme. D’une part, vis-à-vis de sa mère qu’il confie au « disciple bien aimé » en utilisant des mots qui selon notre sensibilité semblent froids : « Femme voici ton fils ». Puis il dit au disciple « Voici ta mère » ((Jn 19-25). Le don qu’il fait de Marie au disciple bien aimé est rempli de l’amour. La personne qu’il aime le plus, Marie, sa mère, est confiée à celui de ces disciples qu’il aime aussi, le plus. Le disciple que Jésus aimait !

 Il y a cette narration des actes de Marie de Magdala. Elle vient au petit matin au tombeau ;  il faisait encore sombre et pourtant la pierre est enlevée. Elle court vers Simon Pierre pour lui dire qu’on a enlevé Jésus et qu’elle ne sait pas où on l’a mis. Pierre et « l’autre disciple » y courent. Marie de Magdala se tenait, en pleurs, hors du tombeau. Elle se penche vers l’intérieur et elle voit deux anges en vêtement blancs qui lui demandent pourquoi elle pleure et elle redit ce qu’elle ne peut que dire « Parce qu’on a enlevé mon Seigneur et je ne sais où on l’a mis ». Elle se retourne et voit Jésus qu’elle prend pour un jardinier et elle répète « Si c’est toi qui l’a emporté dis-moi où tu l’as mis et je l’enlèverai » Un mot suffit : « Marie » et elle lui répond « Rabouni » Quel amour ! Et la mission est immédiate : « Va trouver mes frères et dis leur : je monte vers mon Père et votre Père, vers mon Dieu et votre Dieu » (Jn 20 11-18)

              Deux femmes sont mentionnée. L’une est Marie à qui le Seigneur confie toute maternité sur tous les hommes ; l’autre, éperdue d’amour, à qui Jésus confie une mission : manifester que Jésus est bien vivant et qu’il les attend en Galilée. C’est là près du Mont Hamon, possiblement, que Jésus donnera à ses disciples, les « Douze, la mission universelle de l’absolution des péchés. Le Jeudi précédent il leur avait déjà donné le pouvoir changer le pain et le vin en son corps et son sang. Les Douze forment déjà l’Église dans cette création du premier Collège apostolique. Ils seront envoyés en mission après l’Ascension et fortifiés par l’onction de l’Esprit, ils deviennent malgré leurs larmes, leur peur et le sentiment intérieur de leur incapacité, les porteurs de cette « bonne nouvelle » : le pardon de Dieu est absolu et son amour est incommensurable. Il faut élever sur toute la terre, l’Arche de la Nouvelle Alliance jusqu’au jour où il reviendra dans la gloire. Il n’y a dans ces gestes aucun pouvoir humain qui s’infiltre. Les pouvoirs que reçoivent les apôtres ne sont pas des mandats d’autorité qui viennent d’un chef de gouvernement. Le Christ n’est pas un premier ministre qui envoie ses collaborateurs mettre en acte ce qu’il a décidé !

              Mais la femme ne reçoit aucun pouvoir ? Peut-on dire que l’Église n’a pas besoin de la « femme ». Certes le pouvoir de l’Ordre et l’autorité sacramentelle ont été, par la volonté du Christ, remis à l’homme. Mais l’Église n’est pas une Société secrète genre Ku Klux Klan[7]. C’est une société ouverte qui accueille toute personne qui cherche Dieu. Elle répond à tout besoin d’être enseignée, guidée, pardonnée, aimé. Elle a besoin qu’on lui donne ce qu’elle cherche même si elle ne sait pas trop ce qu’elle cherche. L’Église est essentiellement la présence du Christ auprès de tous les hommes et ses ministres ordonnés – prêtres et évêques – et ses « diacres » auxquels on impose les mains, serviteurs de l’Église, ne sont pas que des représentants. Ils sont la voix du Christ, ils sont les gestes sacrés du Christ, ils sont les « ouvriers » qui travaillent dans le jardin du Christ. Si tout prêtre ou évêque agit dans l’Église comme ministre du Christ, que sont les laïcs dans l’Église ? Ils sont ceux pour qui le Christ est venu! Ils sont aussi les « témoins « vivants de sa venue, de sa vie, de sa mort, de sa résurrection. Certes, les Douze sont envoyés par toute la terre pour témoigner de la vérité de son Être et de sa Doctrine. Certains sont comme cet Étienne choisi avec six autres pour être au « service des tables ». C’est le service de la Charité qui donne à la Parole la certitude de la Vérité. Étienne, le premier martyr qui reçu « l’imposition des mains » pour être au service des apôtres est le premier martyr, non en raison du service de la table, mais comme le premier témoin de la Vérité de Dieu qui aime tellement chaque être créé par sa volonté qu’il suscite en certains, le don absolu de leur vie comme le Christ a tout donné, sa vie et sa gloire. Ce sont les témoins de Dieu

              Dans toute société, la femme est source de vie, elle met au monde les futurs français ou les futurs anglais ou les futurs africains. Vis-à-vis de l’Eglise, elle fait la même chose, elle met au monde les futurs chrétiens… Ainsi, comme femme, elle apporte le témoignage d’un amour transcendant du Seigneur et de l’Église. C’est souvent ce qu’elle a fait et continue de faire, quand renonçant au mariage et à la maternité humaine, elle devient vis-a-vis de son Seigneur, celle qui offre pour ceux qui n’offrent pas, celle qui pleure pour ceux qui ne pleurent pas, celle qui aime pour ceux qui n’aiment pas. Celle qui entend au creux de son cœur le Christ qui appelle et auquel elle répond, Rabouni.

Et cela ne lui sera jamais enlevé.

Aline Lizotte


[1] D’après la tradition, c’est sur ce mont qu’aurait eu lieu la « Transfiguration », de même que la solennelle proclamation de la primauté de Pierre

[2] Matthias vient d’être élu pour remplacer Judas

[3] Sans compter, Marie Mère de Jésus et quelques frères ? Qui sont-ils ?

[4] On appelle sacrement un signe sensible qui agit ex opere operato, c’est-à-dire par un pouvoir qui lui est propre pourvu que son intégrité formelle et matérielle soit respecté et qu’il soit donné dans les conditions fixées par l’autorité ecclésiale)

[5] Lumen Gentium, n0 10.

[6] Du moins dans l’Église catholique

[7] Le, Ku Klux Klan souvent désigné par son sigle KKK ou également le Klan, est une société secrète terroriste suprémaciste blanche des États-Unis fondée à la veillée de Noël 1865 ou au début de l’année 1866.