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APRÈS LE SYNODE, L’ENTENTE N’EST PAS ENCORE LA

            

On l’avait peut-être espéré, sans trop y croire. Le synode s’est déroulé dans la paix, à portes fermées. Chacune des personnes s’est comportée dans les règles de la politesse[1] Mais chacun est fermement demeuré sur ses positions… Lesquelles ? A vrai dire, on ne le sait pas trop. Le pape se dit inquiet des avancées de la conférence épiscopale allemande. Et de son côté, une grande partie de l’épiscopat allemand proteste de son attachement à l’Église catholique. Un évêque allemand, Mgr Franz Josef Overbeck, évêque d’Essen, un des grands partisans de la voie synodale allemande, s’adressant à un groupe de journalistes après le synode, répondait à la question de l’un d’entre eux : « Êtes-vous toujours catholique et faites-vous encore partie de l’Église catholique ? » – « Oui, bien sûr, nous sommes catholiques et nous sommes là pour y rester », répondit-il.

                    Que veut dire être catholique ? Si on avait posé la même question à Luther, il aurait eu probablement la même réponse. Mgr Overbek a « expliqué » que ce processus controversé répondait au contexte unique « post-laïc » de la culture allemande, dans laquelle les gens n’ont aucune idée de la « transcendance de l’Église ou de Jésus-Christ » et ajoutait que si les enseignements de l’Église catholique sont en contradiction « avec les signes de notre temps », personne n’acceptera d’être convaincu de la pertinence de l’autorité et du gouvernement de l’Église.

                     S’il en est ainsi, peut-on encore parler de « catholique » ? Cependant, cette réponse n’aura pas enlevé au pape son inquiétude. Car il est inquiet et il le manifeste. Pour le moment, les évêques allemands mettent l’accent sur quatre points nécessaires, selon eux, pour une vraie « réforme » de l’Église :

  • La création d’un « synode » permanent dont les membres seraient élus et qui servirait d’intermédiaire entre le pouvoir clérical – du pape et des évêques – et les laïcs
  • La révision de la théologie morale catholique afin de tenir compte des apports des sciences humaines et des découvertes techniques. (problème de la pilule Pincus, de l’homosexualité, etc…)
  • L’ordination des femmes au diaconat
  • Le célibat ecclésiastique laissé au choix personnel du prêtre

            Quatre femmes ont écrit au pape pour manifester leur inquiétude et leur attachement à l’Église universelle : les théologiennes Katharina Westerhorstmann et Marianne Schlosser, la journaliste Dorothea Schmidt et la philosophe religieuse Hanna-Barbara Gerl-Falkovitz, le pape leur a répondu : « Ce comité – la voie synodale – vise à mettre en place une instance consultative et décisionnelle. Cependant, comme le souligne la résolution correspondante, la structure proposée n’est pas conforme à la structure sacramentelle de l’Église catholique. Par conséquent, sa formation a été interdite par la lettre du 16 janvier 2023, qui a reçu mon aval spécifique ». On ne peut pas être plus clair.

              La voie synodale allemande a été créée en 2018, mais c’est au mois de mars de cette année qu’elle a clos ses réunions et son programme. Elle a décidé de passer à l’acte. Le cardinal Marx a annoncé que les évêques allemands avaient créé trois groupes de travail : le groupe de travail sur le pouvoir clérical, qui sera dirigé par Mgr Karl-Heinz Wiesemann, évêque de Spire ; le groupe de travail sur la morale sexuelle, qui sera dirigé par Mgr Franz-Josef Bode, évêque d’Osnabrück ; le groupe de travail sur la « vie du prêtre », axé sur le célibat, qui sera animé par Mgr Felix Genn, évêque de Munster.

              Les évêques allemands, sauf quatre, sont déterminés à mettre en œuvre leur projet. Cela, malgré les mises en garde du Vatican. Lors de la visite ad limina des évêques à Rome, en novembre 2022, le cardinal Ouellet, alors préfet du dicastère des évêques, a dû essuyer une dispute ouverte entre les Allemands et les représentants de la Curie romaine. Le cardinal Ouellet est allé jusqu’à demander un moratoire immédiat sur ce chemin synodal. Mais, en accord avec le président de la conférence épiscopale, Mgr Georg Bätzing, évêque de Limburg, il a été fermement rejeté par les évêques allemands. À Mgr Bätzing qui  l’informait de l’initiative de cette voie synodale, le pape aurait répondu : « L’Allemagne a déjà une bonne Église évangélique (protestante), elle n’en pas besoin de deux ! »

              L’Église d’Allemagne a clôturé, en mars dernier, les cinq années d’études sur sa nouvelle voie synodale. Deux Français ont participé à cette réunion en tant qu’observateurs : l’évêque de Saint-Dié, Mgr Didier Berthet, et un laïc, Jérôme Vignon, qui représentait le collectif Promesses d’Église[2]. On pourrait, par ailleurs, se demander si, à l’heure actuelle, le cléricalisme est le plus grand mal dont souffre l’Église ? Cela ne semble pas être le cas de la France. Existe-t-il un pays de vieille souche chrétienne où les grandes difficultés d’enseigner la foi catholique et d’enseigner les vérités chrétiennes serait le cléricalisme ? Alors que les vraies vocations sacerdotales sont réellement insuffisantes ? Cependant, on peut changer le sens du mot « cléricalisme » et lui faire dire qu’il signifie n’importe quelle fonction dans l’Église qu’on pensait – et qu’on pense encore – devoir être remplie par un membre ayant reçu le sacrement de l’ordre. Par exemple, pourquoi le curé d’une paroisse devrait-il être, nécessairement, un prêtre ?  Pourquoi pas une femme ? Pourquoi pas un couple marié ?

              Certes, en donnant la synodalité comme programme aux deux synodes, -celui qui vient de se terminer et celui qui viendra en octobre prochain-, le pape François avait probablement en vue d’opposer au courant allemand la doctrine d’une vraie synodalité. Elle avait, pourtant, été bien définie par Vatican II, sous le thème de l’Église communion. On en verra les résultats à l’automne prochain. Jusqu’à maintenant, cependant, l’Église n’a pas baissé les bras. Le cardinal Pietro Parolin vient d’avertir, par écrit, les évêques allemands que l’ordination des femmes et les changements dans l’enseignement de l’Église sur l’homosexualité ne peuvent pas être des sujets de discussion lors des prochaines réunions avec les délégués du chemin synodal allemand à Rome. La lettre aux évêques allemands, datée du 23 octobre, rappelle également les conséquences disciplinaires potentielles pour quiconque défie l’enseignement de l’Église. Bien que le pape ait déclaré que les actes d’homosexualité constituent, en eux-mêmes, une faute très grave et qu’il ait traité la voie synodale allemande d’élitisme et d’un grave manque de sagesse, cela n’empêchera pas, à ce qu’il semble, la grande majorité de l’épiscopat de poursuivre ses réunions.

Que fera l’Eglise ? Entre cinq cent mille et deux millions de catholiques l’auraient déjà quittée ! Faudra-t-il attendre que les paroisses soient vides pour que cette nouvelle crise de l’Eglise – elle ressemble fort au gallicanisme – se termine ?

Nous continuerons dans la Smart Reading Press, de suivre de très près cette grave situation, non uniquement en donnant des informations, mais en analysant les questions, à partir des causes lointaines et prochaines de cette réalité. Le prochain article aura pour thème Luther et la naissance de la foi protestante, à moins que des événements graves obligent de  traiter la situation de l’Eglise allemande.


[1]Cf, un de mes derniers articles, SRP, Un souffle charismatique sur le synode.

[2]Promesses d’Église est un collectif d’organisations catholiques — mouvements, communautés et associations — constitué en 2019. Il répond ainsi à la lettre du 20 août 2018 du pape François, demandant à l’Église de réagir face au cléricalisme.